ACCORD DES CONTRASTES
La pulsion de création a toujours habité Patricia Kramer, qui a emprunté toutes sortes d’avenues avant que son imaginaire ne trouve sa véritable expression dans la peinture. Du design de mode à la réalisation de bijoux, en passant par la fabrication de lampes, l’artiste n’a jamais manqué d’idées pour faire avancer sa passion inventive. Créant ses propres opportunités, elle a toujours exploré ses envies de manière à les faire vivre concrètement, mais les contraintes commerciales briment son besoin d’expansion et elle souhaite plus de liberté. D’un expérience à l’autre, son parcours se précise et la confiance s’installe, jusqu’à ce que son projet de vie ne se définisse que dans l’exécution de tableaux. Ayant consacré les derniers 18 mois exclusivement à son art, cette Hollandaise d’origine, dotée d’un BAC en arts plastiques de l’Université du Québec à Trois-Rivières et d’un DEC en dessin de mode du collège Lasalle, parvient enfin à actualiser son plein potentiel et à trouver réellement qui elle est.
Si auparavant, l’art représente pour elle une simple façon de s’exprimer pouvant prendre plusieurs formes, c’est plutôt devenu un désir profond de participer à la grande œuvre de l’univers en créant de la beauté pour les gens. «Je peins pour trouver une harmonie personnelle, pour produire quelque chose de serein qui me procure du bien-être afin d’en proposer ainsi aux autres.» Ses toiles invitent à un onirisme intime témoignant de l’unicité de chaque âme, dans une rencontre intérieure et vraie.
Ayant évolué au fil du temps, son style semi-abstrait suggère aujourd’hui des paysages naturel ou urbains dont l’horizon large fait respirer et donne un sentiment de liberté à l’esprit. Les éléments ne sont qu’évoqués afin de permettre un espace d’interprétation vaste pouvant correspondre à une multitude de visions. «Avec le figuratif, le cerveau intervient inévitablement en analysant pour comprendre. C’est plus limitatif. Mon approche est principalement instinctive, j’essaye juste d’être à l’écoute de ce qui monte.» Tout est dans l’ouverture et la présence, d’abord à soi-même, puis à l’énergie en mouvement qui s’actualise peu à peu dans la matière. Trouver l’équilibre pour sentir quand faire jaillir et quand retenir, reste un défi à relever sans cesse grâce à l’union du geste et du mental.
Très attirée par le côté brut de land art qui fait résonner son appartenance à la Terre, bouts de foin ou même morceaux de ciment dans ses œuvres, qui viendront donner la direction à la composition. «J’aime utiliser les vrais objets au lieu de les représenter, car la vibration est plus authentique. Au gré de mes balades, je ramasse encore des pièces dont je veux me servier, mais mon entourage me rapporte maintenant une variété d’éléments provenant de partout dans la monde, au point où je n’ai plus besoin d’en trouver d’autres. Je les prépare en les faisant sécher, je les nettoie, les sable et les protège parfois à l’aide d’un vernis pour éviter leur dégradation.»
Parallèlement à son thème de prédilection en lien avec la nature, coexiste une dimension urbaine qui représente l’action, les tendances, la modernité et le contact avec les autres. Ces deux univers se croisent et s’entremêlent à l’occasion, tout comme dans la réalité.
Bien que quelques touches de couleur comme le rouge ou les ocres éclatent parfois ici et là, sa palette plutôt neutre génère une atmosphère douce et apaisante propice à l’introspection. L’ensemble ne manque cependant pas de caractère, jouant habilement avec les contrastes. La luminosité du blanc perlé s’oppose ainsi souvent au noir, qui ancre le sujet et lui procure de la force, agrémenté de tonalités de gris. Le mat côtoie le lustré, le reliefet les textures voisinent le plat et le lisse, dans un souci global de simplicité et d’épuration. Comme son emplie de techniques mixtes implique une série d’étapes de séchage, elle travaille par juxtaposition sur plusieurs toiles à la fois, chacune en étant à un stade différent, ce recul lui permet de renouveler son regard de façon à repérer les zones à exploiter par la suite en évitant toutefois la surcharge. «Je dois faire attention à ne pas aller trop loin pour que le tout demeure zen. C’est un apprentissage que le tout demeure zen. C’est un apprentissage que de savoir s’arrêter, d’en mettre moins, comme une sorte de lâcher-prise.»
Pour traiter l’acrylique, elle se sert de pinceaux, bâtons, spatules ou guenilles, pour autant de résultats différents, tout en subtilité mais conservant une certaine vivacité. Si pendant un temps, Patricia Kramer a surtout développé le format horizontal, elle s’aventure depuis peu dans la verticalité et s’enthousiasme devant ces nouveaux possibles qui se prêtent aussi bien à sa démarche artistique. Ayant fait beaucoup de soudure lors de sa formation académique, ses affinités avec les métal lui font rêver de couler un jour de petits fragments de bronze qui pourraient être intégrés dans ses tableaux, notamment pour leur aspect de rusticité.
Établie dans la Mauricie, elle s’active depuis un certain temps à se faire connaîter davantage dans sa région et prend les devants afin de mettre sur pied des événements propre à accroître sa visibilité et son succès.
On retrouve les œuvres de Patricia Kramer au Delat de Trois-Rivières, à la galerie Émeraude, dans le Vieux-Montréal, ainsi qu’à la galerie Céleste à St-Sauveur.
Lisanne Le Tellier
Magazin art, hiv 2014